Portrait de Bruno Condé

Bruno CONDÉ [1920 - 2004]

Zoologiste et aquariologiste de renommée internationale, spécialiste des campodés et du chat forestier, co-fondateur de l'Aquarium tropical de Nancy, Condé est aussi le dernier titulaire de la chaire de zoologie de Nancy.

Bruno Condé est né, a fait ses études et mené toute sa carrière à Nancy. Il est le fils de l'artiste peintre Geo Condé. Celui-ci réalise en 1927 une aquarelle intitulée "L'entomologiste Bruno Condé". On y voit l'enfant endormi entouré de livres et de matériel de lépidoptériste. Sa vocation entomologique était donc précoce. Mais l'intérêt du jeune Bruno ne se limite pas aux papillons. Il maintient aussi dans des petits aquariums, autre vocation, des animaux aquatiques qu'il capture dans les mares environnantes.

Après l'obtention de son baccalauréat, Condé s'engage naturellement dans un cursus de sciences naturelles. En 1943, il est préparateur de botanique à la faculté des sciences. Deux ans plus tard, il est nommé assistant auprès de Paul Rémy, éminent entomologiste spécialisé dans les microarthropodes hypogés, successeur de Lucien Cuénot à la tête du musée de zoologie.

En 1952, il soutient sa thèse de doctorat sur les diploures campodéidés, qui resteront son principal sujet d'étude tout au long de sa vie. Il en sera un des rares spécialistes mondiaux et en décrira plusieurs dizaines d'espèces. Trois ans plus tard, il est nommé sous-directeur du musée de zoologie, puis en 1960, directeur, poste qu'il conservera jusqu'à son départ en retraite en 1989.

En 1963, Paul Schauenberg, étudiant genevois, sollicite l'assistance de Condé dans son projet d'étudier le chat forestier, prédateur méconnu que l'on accuse alors de nombreuses nuisances. Les travaux qu'ils conduisent ensemble sur le régime alimentaire et le comportement de ce félin, Condé allant jusqu'à en élever chez lui, permettent de rectifier le classement juridique de l'espèce qui passe, en 1979, de "nuisible" à "protégée".

Les travaux de Condé

Toujours curieux de nature, Condé voit dans l'aquariophilie marine, qui commence à se développer en France, la possibilité d'observations inédites sur la faune des récifs tropicaux. En 1963, avec quelques amateurs passionnés et son assistant et futur adjoint Denis Terver, il crée le Cercle aquariophile de Nancy, association dont il assurera la présidence durant plus de trente ans. Naturellement domiciliée au musée de zoologie, celle-ci y installe dès 1966 quelques aquariums qui rencontrent un grand succès auprès des visiteurs. Aussi, lorsque le rez-de-chaussée du bâtiment est libéré par le départ des services de zoologie vers le nouveau campus de Vandœuvre-lès-Nancy, Condé, Terver et le Cercle aquariophile proposent à la Ville et à l'Université d'y installer un aquarium public.

L'idée séduit et l'Aquarium tropical de Nancy ouvre ses portes en 1971. Le public local, puis régional, est rapidement conquis. Parallèlement, les travaux scientifiques et techniques menés dans le cadre de l'Aquarium sont bientôt matière à la publication d'un périodique trimestriel, la Revue Française d'Aquariologie et d'Herpétologie, dont la qualité portera la renommée de l'établissement bien au-delà des frontières nationales. 

À la fin de sa carrière, l'éméritat permet à Condé de poursuivre ses recherches scientifiques après la limite d'âge. Malheureusement, la maladie d'Alzheimer le terrasse et il s'éteint à Nancy peu après avoir dû renoncer à son cher labo.

Boîte de préparations microscopiques de campodés

Dans le cadre de ses travaux sur les diploures, Condé se rend fréquemment au Muséum de Genève. C'est ainsi qu'il en vient à encadrer les thèses de quelques étudiants suisses. L'un d'eux, Paul Schauenberg, s'intéresse, à la fin des années soixante, au chat forestier, prédateur méconnu devenu rare en Suisse mais encore commun en Lorraine. Condé se passionne alors pour l'espèce et mène ses propres recherches. Il collecte des animaux tués sur la route ou par la chasse afin d'établir, notamment, leur régime alimentaire. Il conserve ensuite le contenu stomacal, la peau et le crâne de chaque spécimen en vue d'études ultérieures. Son intérêt pour le chat forestier ne le quittera pas et il en sera longtemps le plus grand spécialiste français.

Bien que Bruno Condé soit surtout connu pour ses recherches sur la faune des récifs coralliens et le chat forestier, il est avant tout un grand spécialiste des diploures, et en particulier des campodés. Ces arthropodes minuscules, longs tout au plus de quelques millimètres, ternes et lucifuges, vivent dans les grottes, la litière forestière et autres milieux obscurs et humides. Leur taille impose de les monter sur lame de verre pour les étudier au microscope sous fort grossissement afin de les identifier ou de les décrire. De telles préparations, bien réalisées, se conservent très longtemps. C'est ainsi que la collection de référence d'une longue et prolifique carrière scientifique peut tenir dans quelques petits coffrets de bois.

WILLIG Christian, 2018.

Bruno Condé. Nature en collections : Témoignages du vivant, Muséum-Aquarium de Nancy. Nancy, p. 38-43