Portrait de Dominique-Alexandre Godron

Dominique-Alexandre GODRON [1807 - 1880]

Godron fut le premier grand naturaliste lorrain. On lui doit des travaux remarquables sur la faune et la flore de la région, ainsi qu'un enrichissement raisonné des collections d'histoire naturelle. 

Godron naît et grandit à Hayange, en Moselle, en 1807. Dès l'enfance, il s'intéresse plus à la nature, aux plantes et aux animaux qu'à ses travaux scolaires. Il obtient toutefois sans effort des résultats honorables qui lui permettent d'entrer au lycée Stanislas, à Paris. Après ses baccalauréats, il s'oriente vers des études de médecine, à la faculté de Strasbourg. Ce choix est probablement influencé par la part notable de botanique et de zoologie que comprend le cursus. C'est d'ailleurs à Strasbourg, sous la tutelle du professeur Nestler avec qui il herborise, que Godron commence son fameux herbier, aujourd'hui conservé au Jardin botanique Jean-Marie Pelt, à Villers-lès-Nancy. 

En 1834, son mariage l'amène à Nancy où il s'installe comme médecin. Parallèlement, il entame une carrière d'enseignant au Jardin botanique et à l'école de médecine où il devient conservateur des collections d'histoire naturelle en 1841. A titre personnel, il étudie la botanique régionale et publie, en 1844, une Flore de Lorraine remarquablement documentée. La même année, il soutient à Strasbourg une thèse de doctorat des sciences consacrée à l'hybridité chez les végétaux. Ses travaux expérimentaux dans ce domaine, précurseurs de ceux de Mendel, feront référence pour de grands obtenteurs horticoles tels que Victor Lemoine. 

Les collections de Godron

À cet emploi du temps déjà bien chargé s'ajoutent, en 1847, les fonctions de directeur de l'école de médecine et, un an plus tard, de directeur-adjoint du Jardin botanique. Godron peine à trouver le temps nécessaire à ses travaux scientifiques personnels, notamment la rédaction, avec Charles Grenier, de la Flore de France qu'il commence à publier en 1848. Il envisage de fermer son cabinet médical, mais ses autres revenus ne le lui permettent pas. Il se résout alors à se recentrer sur une unique activité professionnelle plus rémunératrice et moins prenante. C'est pourquoi il sollicite un poste de recteur d'académie qui lui est accordé par détachement en 1850. Cette nouvelle fonction l'éloigne de la Lorraine, mais, en 1854, il est rappelé à Nancy pour être chargé de la chaire d'histoire naturelle de la toute nouvelle faculté des sciences dont il est aussi nommé doyen. Il est ensuite rapidement placé à la tête du Jardin botanique et des collections d'histoire naturelle qui viennent tous deux de passer sous la tutelle de la Faculté. 

Godron souhaite utiliser ces collections pour illustrer ses cours, mais elles présentent trop de lacunes. Il entreprend donc de les enrichir par des achats ciblés et des appels aux dons, allant jusqu'à demander à des Nancéiens en poste à l'étranger de lui ramener des spécimens difficiles à se procurer autrement. Les collections ainsi constituées ont malheureusement beaucoup pâti des aléas du temps et peu de spécimens figurent encore à l'inventaire.

Malgré ses lourdes responsabilités universitaires et son implication dans de nombreuses sociétés savantes, Godron poursuit ses recherches personnelles jusqu'à son départ à la retraite en 1871 et, par la suite, jusqu'à son décès. Ce grand naturaliste fut une figure majeure de la science de son temps et ses nombreux travaux, par exemple sa Zoologie de la Lorraine publiée en 1863, sont encore souvent cités. 

Lorsque Godron prend en charge les collections d'histoire naturelle, il constate que celles-ci ne peuvent être utilisées en l'état pour ses cours. Il appelle alors les naturalistes et collectionneurs locaux à faire des dons au musée. L'un d'eux, Émile Charon, lui lègue par testament l'intégralité de sa collection d'oiseaux d'Europe naturalisés. Ce grand tétras tué dans les Vosges en fait partie. L'espèce, emblématique du massif vosgien, voit aujourd'hui sa population régresser drastiquement, en particulier du fait de l'intensification des activités sylvicoles et de loisirs. Ce spécimen très ancien est donc le témoin, à la fois, de pratiques révolues et d'une population menacée qui risque de disparaître de nos forêts.

Malgré une charge de travail importante, Godron veille à entretenir des relations avec les naturalistes locaux ou de passage. L'un d'eux, M. Pajot, résidant à l'île de la Réunion, séduit par sa visite du musée lors d'un séjour à Nancy, fait parvenir à Godron à son retour quelques spécimens de faune de l'océan Indien, dont cet indri. Godron en parle avec fierté comme "un des animaux les plus rares et les plus intéressants de Madagascar". Pourtant, ce grand lémurien diurne était autrefois bien répandu dans les forêts malgaches, protégé par des tabous qui interdisaient de le tuer. Il est aujourd'hui effectivement devenu rare du fait de la destruction de son milieu à des fins agricoles. 

En 1872, Godron publie une Notice historique sur le musée d'Histoire naturelle de Nancy. Il y mentionne "plusieurs objets anciens qui ne figurent pas parmi les dons et acquisitions qui ont suivi l'établissement des écoles centrales [en 1895] ; [dont] une branche de la mâchoire inférieure d'une baleine franche [qui] ne mesure pas moins de 5 mètres de longueur". Il n'existe malheureusement aucune information quant à l'origine de ce  spécimen. Les registres d'inventaire, tenus seulement à partir du début des années 1880, n'apportent aucune précision. Quoiqu'il en soit, cet os est un des plus anciens spécimens, si ce n'est le plus ancien, des collections patrimoniales du Muséum-Aquarium.

WILLIG Christian, 2018. 

Dominique-Alexandre Godron. Nature en collections : Témoignages du vivant, Muséum-Aquarium de Nancy. Nancy, p. 14-19