L'anatomie comparée a pour objet l'étude et la comparaison des structures (morphologiques) d'une espèce à une autre. Le Muséum-Aquarium de Nancy conserve 395 crânes dans ses collections patrimoniales, dont 33 crânes de canidés. La plupart de ces pièces ne sont pas montées, à l'exception des préparations à la Beauchêne. Ce crâne de chien en éclaté a été acheté auprès des établissements Deyrolle en 1922. Cette pièce, présentée sous cloche en verre, comporte 17 éléments osseux numérotés, reliés entre eux par des tiges métalliques et maintenus sur un pied en laiton. La formule dentaire (nombre de chacun des types de dents par demi-mâchoire) est également associée à l'ensemble. 

Les élégants montages à la Beauchêne

Un montage à la Beauchêne désigne traditionnellement une préparation anatomique osseuse en éclaté. Si la technique est connue et a été largement utilisée, peu d'informations subsistent sur son inventeur.

Le nom de Beauchêne est associé à des montages anatomiques en éclaté, pièces familières des collections d'histoire naturelle. Traditionnellement appliquée aux crânes de vertébrés, la technique a été étendue à d'autres animaux dotés d'un  exosquelette, insectes ou crustacés. Suscitant à la fois émerveillement et curiosité, les montages à la Beauchêne s'apparentent à de véritables objets d'art. 

Ces modèles anatomiques sont à l'origine destinés à l'enseignement et à la formation des futurs médecins et chirurgiens. La technique, coûteuse et minutieuse, remonte au début du XIXe siècle. Elle consiste à faire macérer et bouillir un crâne afin de faciliter la séparation des différents os, qui sont ensuite reliés entre eux par des tiges métalliques en laiton et montés sur un pied amovible.

Les crânes sont issus de jeunes adultes, pour lesquels les sutures osseuses sont moins denses. Les sutures sont des articulations fibreuses immobiles, présentes uniquement sur le crâne. Leurs bords irréguliers s'interpénètrent et permettent de rigidifier l'ensemble. La macération entraîne la désagrégation progressive de ces articulations. 

Le montage final en éclaté permet non seulement d'observer chaque os et ses relations avec les autres, mais aussi d'apprécier le crâne dans son ensemble puisque les pièces sont placées en connexion anatomique. 

Ce type de montage est encore traditionnellement désigné du nom de son inventeur, Beauchêne. Ce patronyme pourrait être celui d'un anatomiste français du milieu du XIXe siècle, Claude Beauchêne, sur lequel il subsiste peu d'informations. Une étude récente réattribue la paternité de cette technique à Edmé François Chauvot Beauchêne (ca. 1780 - 1830), anatomiste et chirurgien, fils du renommé Edmé Pierre Chauvot de Beauchêne (1749 - 1825), médecin à la cour de Louis XVI et membre de l'Académie des sciences. 

Beauchêne fils aurait mis au point cette technique lorsqu'il exerçait à la faculté de médecine de Paris en qualité de prosecteur (chargé de la préparation des dissections) puis chef de travaux anatomiques. Mention en est faite dans l'Encyclopédie des sciences médicales de 1834 citée par Spinner : "Il en est d'autres [squelettes] que l'on désigne à Paris sous le nom de squelette à la Beauchêne, parce qu'une tête articulée préparée dans le temps par cet ancien prosecteur de l'école en a donné le modèle." Beauchêne fils, encore largement méconnu, mérite d'être distingué pour cette technique, qui a perduré et porte encore son nom.

La plupart des comptoirs d'histoire naturelle de l'époque ont proposé ces pièces dans leurs boutiques et catalogues. Les cinq montages à la Beauchêne du Muséum-Aquarium (humain, chien, bœuf, crocodile et morue) proviennent ainsi des maisons parisiennes Boubée et Deyrolle.

DELAUNAY Sandra, 2018. 

Les élégants montages à la Beauchêne [1797-1880]. Nature en collections : Témoignages du vivant, Muséum-Aquarium de Nancy. Nancy, p. 76-79