Portrait de René Nicklès
René NICKLÈS [1859 - 1917]
La démarche scientifique innovante de René Nicklès est à l'origine de la création de l'IGAN, aujourd'hui École nationale supérieure de géologie, dont les collections de paléontologie sont gérées par le Muséum-Aquarium.
René Nicklès est le fils de Jérôme Nicklès, premier titulaire de la chaire de chimie de la faculté des sciences de Nancy, nommé en 1854 en même temps que Dominique-Alexandre Godron. Il se révèle être un élève brillant, mais modeste et discret, caractère qu'il conservera toute sa vie. Après l'obtention de ses baccalauréats à Nancy, il part à Paris où il est admis à l'École nationale des mines en 1880. Il en sort trois ans plus tard avec un diplôme d'ingénieur civil, mais, la carrière qui s'ouvre à lui ne répondant pas à ses aspirations, il reprend bientôt des études de sciences naturelles à la Sorbonne. Durant son cursus, il effectue plusieurs missions d'étude de la géologie et de la paléontologie du sud-est de l'Espagne. Ces travaux constituent la base de la thèse de doctorat en géologie qu'il soutient en 1891.
Au printemps 1893, la vacance subite d'un poste de chargé de cours de géologie à la faculté des sciences de Nancy lui donne l'occasion de revenir en Lorraine. Dans les années qui suivent, il répond volontiers aux demandes d'assistance d'exploitants locaux concernant l'ouverture de nouveaux puits de mine. Il établit ainsi des relations avec la Société industrielle de l'est, prémices d'une démarche de géologie appliquée dont l'idée sera soutenue par le doyen Bichat.
L'institut de Nicklès
Au début des années 1900, l'industrie minière s'interroge sur l'éventuelle présence de houille dans la partie de la Lorraine qui n'a pas été annexée par l'Allemagne en 1871. Nicklès, nommé depuis peu professeur adjoint, est sollicité. En réponse, il publie un article dans lequel il définit des zones susceptibles d'abriter le précieux combustible. Les sondages qu'on y effectue lui donnent raison, ce qui lui vaut une grande notoriété et renforce les relations entre l'Industrie et la faculté des sciences. L'Université décide alors la création, avec le soutien financier de la Société industrielle de l'Est, d'un enseignement de géologie appliquée, d'un diplôme d'ingénieur géologue et d'une chaire de géologie, naturellement confiée à Nicklès.
Quelques années plus tard, soucieuse d'améliorer les conditions de recherche et d'enseignement, elle vote la création de l'Institut de géologie appliquée de Nancy (IGAN) où seront regroupés, à partir de 1909, les laboratoires, salles de cours, bibliothèques et collections de référence.
Nicklès travaille ardemment au développement de cet outil exceptionnel. Il veille notamment à enrichir les collections de roches, de minéraux et de fossiles. L'arrivée de la guerre réduit fortement ses moyens financiers et humains et, bien que sa santé décline, il met ses compétences au service de l'armée et use ses dernières forces à maintenir l'Institut en activité. Il s'éteint chez lui, à Dommartemont, village proche de Nancy, sans avoir connu la fin du conflit.
Presque cent ans plus tard, en 2013, l'École nationale supérieure de géologie (ENSG), héritière de l'IGAN, confie ses collections de paléontologie, environ 200 000 pièces, au Muséum-Aquarium qui en assure depuis l'inventaire et la gestion.
Cette petite ammonite provient de Custines, bourg situé près de Nancy. Elle fait partie de la collection personnelle de Nicklès qui l'a peut-être récoltée lui-même. Les ammonites ne sont pas des gastéropodes, mais, au même titre que les nautiles, des céphalopodes à coquille externe. Elles apparaissent dans les océans anciens il y a environ 500 millions d'années (Ma), mais ne connaissent un véritable essor qu'au Jurassique, 300 Ma plus tard, avant de disparaître en même temps que les dinosaures, il y a 65 Ma. À leur apogée, elles sont fréquentes et très diversifiées, leur taille variant, suivant les espèces, de quelques centimètres à plus de deux mètres. Leurs fossiles sont souvent de bons marqueurs stratigraphiques.
En 1927, G. Corroy, géologue à l'IGAN, décrit une nouvelle espèce de brachiopode du genre Spirifera qu'il dédie à Nicklès, fondateur de l'Institut, décédé dix ans plus tôt. Les brachiopodes sont des organismes marins filtreurs à coquille bivalve, distincts, malgré leur apparence des mollusques. Il en subsiste aujourd'hui environ 400 espèces, mais ce groupe était beaucoup plus diversifié et abondant au cours du Paléozoïque. Les espèces fossiles, fréquentes dans les dépôts sédimentaires de cette période, sont souvent utilisées comme marqueurs temporels. S. nicklesi, par exemple, vivait il y a -183 à -182 millions d'années, ce qui permet de dater les roches dans lesquelles on la trouve.
WILLIG Christian, 2018.
René Nicklès. Nature en collections : Témoignages du vivant, Muséum-Aquarium de Nancy. Nancy, p. 32-37