Les spécimens types

La nomenclature est un outil au service de la taxonomie. Elle permet à la communauté scientifique de disposer d'un langage commun pour communiquer globalement.

Les animaux sont désignés traditionnellement par le grand public sous des noms communs de large acception qui varient en fonction de la langue ou de l'époque et peuvent désigner plusieurs espèces sous un même terme.

Afin d'être compris par les chercheurs et biologistes, le nom scientifique obéit quant à lui à un ensemble de règles permettant de nommer précisément les organismes vivants, animaux ou végétaux. Ces règles sont définies respectivement par la nomenclature zoologique et la nomenclature botanique.

L'un des précurseurs de ce système est le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778). Dans ses publications, dont le célèbre Systema Naturae de 1758, il généralise le principe de nomenclature binomiale. Chaque espèce est désignée par un nom scientifique écrit en latin et composé de deux épithètes, le nom de genre et le nom d'espèce, à la manière d'un prénom et d'un nom de famille. 

Avec les voyages d'exploration du XVIIIe et XIXe siècles et la découverte de nouvelles espèces, les besoins en nomenclature et en classification sont exponentiels. La nécessité de réviser les principes édictés par Linné et d'y inclure les dernières avancées scientifiques aboutit à la publication des premiers codes de nomenclature. C'est ainsi que le naturaliste britannique Hugh Edwin Strickland (1811-1853), au sein d'un comité composé de personnalités scientifiques reconnues tel Charles Darwin, publie en 1843 un ensemble de règles de nomenclature zoologique, le code de Strickland.

Cette limule fossile est l'holotype d'une espèce décrite en 1896 par le médecin et géologue Gustave Bleicher. Celui-ci lui a donné le nom du lieu où elle a été découverte, à Vic-sur-Seille, en Moselle, dans la formation géologique des marnes irisées de Lorraine (roches sédimentaires argileuses). Cette espèce de limule fossile vivait il y a environ 200 millions d'années en milieu marin. Le céphalothorax entier et une partie de l'abdomen sont parfaitement visibles sur l'échantillon. Quant à la limule actuelle, il s'agit d'une espèce dite panchronique (anciennement "fossile vivant"), c'est-à-dire qu'elle ressemble morphologiquement beaucoup à la forme fossile.

À partir des années 1880, la communauté scientifique mène un travail d'harmonisation générale et les premières règles internationales de la nomenclature zoologique paraissent en 1905 à la suite des travaux du Congrès international de zoologie. Dans le contexte des conflits mondiaux, les décennies suivantes seront peu actives sur le plan de la nomenclature scientifique. Ce n'est qu'en 1961 qu'est publiée la première version du code international de nomenclature zoologique (ICZN). La cinquième édition est aujourd'hui en cours d'élaboration afin d'intégrer les plus récents travaux dans le domaine. 

En préambule, il est rappelé que "l'objet du Code est de promouvoir la stabilité et l'universalité des noms scientifiques des animaux, et de faire en sorte que le nom de chaque taxon soit unique et distinct". La désignation d'un nom scientifique sert à éviter une confusion nomenclaturale où différents noms pourraient être utilisés par différents auteurs pour désigner le même taxon.

Lors de la description d'une nouvelle espèce, un échantillon de référence est désigné par l'auteur de la publication originale, il s'agit du spécimen type. L'intérêt scientifique majeur rattaché à ces spécimens types implique une conservation optimale et la possibilité de les mettre à disposition des chercheurs. Dans ses collections, le Muséum-Aquarium de Nancy conserve 107 types, dont une grande partie sont des échantillons paléontologiques.

Cuénot épouse en 1900 Geneviève de Maupassant, une cousine de Guy de Maupassant, dont le père possède une vaste propriété à Arcachon. Le couple y passe régulièrement ses vacances et Cuénot en profite pour étudier la faune du bassin. Il dresse un inventaire systématique de ses observations qu'il publie entre 1902 et 1927 dans le Bulletin de la station biologique d'Arcachon. Lors de ses prospections, il découvre plusieurs espèces nouvelles, dont ce ver sipunculien qu'il décrit en 1902 et dont il dépose le type au Muséum-Aquarium.

Condé collabore activement avec le monde aquariophile, tant amateur que professionnel. Des exportateurs et des importateurs offrent à l'Aquarium tropical de Nancy les poissons qu'ils ne connaissent pas et reçoivent en retour déterminations et observations aquariologiques utiles à leur commerce. C'est ainsi qu'en 1976 arrive à l'Aquarium une scorpène pêchée à l'île Maurice. Condé reconnaît la nouveauté de l'espèce. Il la décrit sommairement à partir de cet unique spécimen vivant et la dédie à William Eschmeyer, spécialiste des scorpénidés. À la mort de l'animal, celui-ci est conservé en tant qu'holotype. En 2006, Motomura & Johnson confirment l'espèce et en complètent la description en ajoutant dix paratypes à la diagnose. 

Oiseau assez commun, le coua huppé est endémique de Madagascar, fréquentant les zones boisées situées sur le pourtour de l'île. Son nom vernaculaire est une référence à la crête grise qui orne le sommet de sa tête. La sous-espèce pyropyga provient de la zone sud-ouest, entre Morondava et Amboasary, et se caractérise par des plumes sous-caudales d'un roux prononcé. Le coua huppé des collections du Muséum-Aquarium fait partie de la série d'oiseaux sur laquelle s'est appuyé Alfred Grandidier pour faire la description de la sous-espèce en 1867 (paralectotype). Ce spécimen a été cédé en 1931 par le Muséum national d'histoire naturelle. De sexe mâle, il a bénéficié d'une restauration en 2000.  

DELAUNAY Sandra, 2018. 

Notions de nomenclature zoologique. Nature en collections : Témoignages du vivant, Muséum-Aquarium de Nancy. Nancy, p. 116-121